[Vidéo] Y a-t-il de la vanille dans la glace à la vanille ? • La Glacerie Paris

[Vidéo] Y a-t-il de la vanille dans la glace à la vanille ?

FOOD CHECKING. La plupart des glaces des supermarchés sont fabriquées avec de « l’extrait » ou de l’« arôme naturel », qui sont en réalité des succédanés de la véritable – et délicieuse – gousse de vanille.

Pour faire illusion, les industriels n’hésitent pas à utiliser des subterfuges. On vous explique comment vous y retrouver.

« La vanille, c’est simple, ça va avec tout. » Comme souvent pour ses produits de marque distributeur, l’enseigne Monoprix a orné l’emballage de sa glace vanille d’un slogan qui fait mouche. Mais que faut-il entendre par « vanille » dans la composition de cette crème glacée ?

« On n’a pas ici de gousse naturelle de vanille, explique David Wesmaël, glacier Meilleur ouvrier de France (MOF) à la tête de l’enseigne La Glacerie Paris, alors qu’il regarde la liste des ingrédients affichée au verso de la boîte en plastique. On est vraiment sur un « arôme naturel » de vanille et de la gousse de vanille épuisée et broyée. »

Le sacrilège de la glace industrielle à la vanille

Pour notre série vidéo Food Checking, cet artisan a accepté de commettre ce qui doit pour lui ressembler à un petit sacrilège : répliquer la glace industrielle Monoprix dans son laboratoire.

David Wesmaël arrive avec un saladier rempli de gousses toutes sèches : « Donc voilà des gousses de vanille épuisées qui ont déjà servi pour faire une glace. Elles ont déjà été en infusion, elles ont déjà donné tous leurs grains et n’ont plus aucune saveur. Les industriels vont les broyer en poussière pour s’en servir de marqueurs visuels. »

Autrement dit, pour donner l’illusion de grains de vanille, ceux qui renferment les saveurs et arômes de cette merveilleuse plante tropicale. Et pour donner un goût de vanille à la glace ? Le MOF sort de ses placards des fioles et bouteilles envoyées comme échantillons par des fournisseurs. On y distingue plusieurs substances.

La première, c’est « l’arôme vanille synthétique », qui est un produit chimique. La deuxième, c’est « l’extrait de vanille », un produit obtenu par macération de la vanille dans une solution alcoolique. La troisième, c’est « l’arôme naturel de vanille » (ou « arôme naturel type vanille »), un produit naturel composé principalement d’extrait de vanille et d’autres composants d’origine naturelle… Enfin, la quatrième, c’est la vraie gousse de vanille naturelle ! Quand vous achetez un pot, n’oubliez donc pas de lire la liste des ingrédients.

Des coûts de production de 30 centimes à 5 € le litre

« Produire un litre de glace coûtera à l’industriel 30 centimes s’il utilise l’arôme vanille et jusqu’à 5 € s’il utilise les gousses », explique David Wesmaël. La différence est énorme. La comparaison entre la glace à l’arôme naturel de vanille, répliquée d’après les ingrédients de Monoprix, et la glace à la gousse de vanille, telle que la fabrique habituellement le maître glacier est très instructive. La première présente des points bruns de tailles irrégulières – la gousse épuisée et broyée – tandis que la seconde est constellée de petits points noirs – les véritables grains de vanille. Par ailleurs, la couleur de la glace artisanale, sans colorant, est plus claire : c’est la teinte naturelle de la crème et du lait.

Test à l’aveugle de trois glaces à la vanille

Mais est-ce que ces substituts à la gousse de vanille font vraiment illusion? On a demandé à Claire Damon, la cheffe pâtissière de l’enseigne Des Gâteaux et du Pain, de déguster à l’aveugle trois glaces vanille vendues au supermarché : celle aux gousses de vanille de La Mémère, une marque récemment lancée par notre glacier David Wesmaël et l’ancien ministre Arnaud Montebourg; celle à l’extrait de vanille de Carte d’or; et celle à l’arôme naturel de vanille de Monoprix.

En préliminaire, Claire Damon avertit : « Il faut toujours regarder, non pas le volume, mais le poids de la glace. Les fabricants vont ajouter des additifs, des émulsifiants, des améliorants… Plein de choses qui vont permettre à la glace d’emmagasiner une quantité d’air importante. Or, l’air, c’est un ingrédient gratuit. Donc plus il y a d’air, plus on gagne d’argent. »

La glace La Mémère pèse 400 g pour 500 ml. Elle est donc deux fois plus lourde que ses voisines de Monoprix et de Carte d’or. « Ça a un goût un peu entêtant d’arôme, réagit la cheffe, les yeux bandés, en goûtant cette dernière. C’est plutôt dérangeant. » Après avoir testé la deuxième, elle déclare, catégorique : « Le goût de la vanille naturelle, c’est celui-ci. » Et à la troisième, elle fait la moue : « Elle est catastrophique en termes de goût. »

Au classement final, la qualité gustative des glaces se révèle proportionnelle à celle de l’ingrédient utilisé pour donner le goût de vanille – et, aussi, proportionnelle au prix. La glace La Mémère, la plus chère à 17,47 € le kilo, arrive ainsi en tête, suivie de Carte d’or à 8,20 € le kilo et de Monoprix à 4,38 € le kilo. « Il n’y a pas de satisfaction dans ces choses glacées », conclut Claire Damon en montrant les glaces Monoprix et Carte d’or. Puis, pointant la glace La Mémère à la gousse de vanille : « Je pense qu’il vaut mieux en manger deux fois moins et aller vers des produits comme ça. »

Le Parisien
Date : 22/07/2020